Rappel synthétique sur le régime de l’apport-cession

 

La cession d’actions est souvent l’occasion pour les associés ou actionnaires d’une société de récupérer le fruit de leur investissement en temps ou en capital … mais ils ne sont pas les seuls à en profiter, puisque la plus-value éventuellement dégagée est imposée au titre de l’année de l’opération de cession.

 

Il existe néanmoins plusieurs dispositifs permettant de réduite la taxation de cette plus-value.

Citons par exemple l’abattement pour départ en retraite, pour durée de détention ou encore celui lié à la taille de l’entreprise (chiffre d’affaires ou prix).

Mais l’objet de la présente note est de présenter le régime de l’« apport-cession ».

  

 

1. Définition de l’apport-cession

Dans cette opération, le titulaire des titres d’une société décide de procéder à l’apport de ses titres à une société, le plus souvent constituée pour l’occasion.

Peu de temps après, les titres sont cédés à un tiers.

Pour la société nouvelle, qui reçoit et revend les titres pour une valeur identique, elle ne constate aucune plus-value. Elle n’est dès lors pas imposable au titre de cette opération.

En revanche, pour l’apporteur, la situation est différente puisqu’il constate une plus-value au moment de l’apport.

Le code général des impôts prévoit un traitement spécifique pour cette plus-value.

 

2. Le régime fiscal de la plus-value d’apport

En principe, en cas d’échange de titres, et sous réserve que l’apport soit effectué au bénéfice d’une société non contrôlée par l’apporteur, l’opération donne lieu à un sursis d’imposition : la plus-value ne sera calculée, et donc imposée, qu’au moment de la cession des titres reçus dans l’échange.

L’article 150-0 B ter a mis en place un régime spécifique en cas d’apport à une société contrôlée par l’apporteur : dans ce cas et sous réserve de satisfaire à certaines conditions, l’opération donne lieu à un report d’imposition : la plus-value est constatée au moment de l’opération d’échange mais sera imposée lors de la cession des titres reçus en échange.

 

3. Les conditions du report d’imposition

L’article 150-0 B ter prévoit plusieurs conditions pour bénéficier du report de l’imposition de la plus-value, et notamment :

  • Les titres apportés doivent être des actions ou des parts sociales de sociétés soumises ou non à l’IS, et peuvent être des parts de sociétés civiles immobilières ou de sociétés à prépondérance immobilière,
  • La société bénéficiaire, contrôlée par l’apporteur, doit être située en France ou dans un pays de l’Union Européenne,
  • La société bénéficiaire doit conserver les titres pendant trois ans suivant l’apport, ou, en cas de cession, doit réinvestir au moins 60% du produit de cession dans les 24 mois suivant cette cession,
  • Le réinvestissement doit s’effectuer par la création d’une activité nouvelle, l’acquisition ou la souscription d’une participation majoritaire ou minoritaire dans une société existante.

Le report d’imposition cesse de produire ses effets au moment de la cession des actions reçues au moment de l’apport. La plus-value est alors calculée sur l’ensemble de l’opération.

La donation des titres reçus en échange permet sous certaines conditions à l’actionnaire initial de s’exonérer de la taxation de la plus-value.

 

4. L’apport-cession en pratique

Au moment de la vente d’une société, le ou les vendeurs (le choix est individuel) peuvent décider de procéder à l’apport-cession avant la cession effective des titres. Le choix dépend des priorités du moment : l’opération permet certes un report de l’imposition, mais le prix de cession est logé dans une holding, avec une obligation de réinvestissement qui interdit un usage purement patrimonial (tel que l’acquisition d’un bien immobilier dans le but d’en faire sa résidence).

Il faut garder à l’esprit au moment du choix que :

  • La partie des sommes reçues non soumise à l’obligation de réinvestissement (soit 40% du produit de cession) peut être utilisée librement par la holding,
  • Le titulaire des titres peut n’apporter à la holding qu’une partie des titres destinés à être cédés,
  • Le délai de 24 mois, qui peut sembler important de prime abord, doit être abrégé du délai moyen du temps nécessaire à la mise en place d’une opération d’acquisition ou d’investissement (pour éviter de devoir placer des fonds dans la précipitation).

 

5. Exemple

A titre d’exemple, prenons un dirigeant de société qui a constitué, en qualité d’associé unique, une société avec un capital de 200 000 euros. Il a trouvé un acquéreur qui lui propose de reprendre cette société pour un prix net vendeur de 2 500 000 euros.

Préalablement à la cession, le dirigeant décide de procéder à un apport-cession. Il constitue une société holding nouvelle, à laquelle il apporte les titres de la société opérationnelle pour une valeur de 2 500 000 euros. L’évaluation des titres est validée par un commissaire aux apports. Ainsi le dirigeant constate une plus-value d’apport de 2 300 000€ (2 500 000 – 200 000). Cette plus-value n’est pas imposée immédiatement.

Lors de la cession des titres de la société à l’acquéreur, la holding perçoit 2 500 000 euros. L’opération est fiscalement neutre pour elle.

Pour éviter l’imposition immédiate de la plus-value d’apport, la société réinvestit 2 000 000 euros (plus de 60% du produit de cession) au titre de la souscription au capital de plusieurs sociétés, dans les mois qui suivent l’opération.

Le solde disponible (500 000 euros dans notre exemple) peut être utilisé pour tout investissement par la holding (y compris pour l’acquisition d’un bien à caractère patrimonial).

La plus-value d’apport placée en report sera imposable au moment de la cession des titres de la holding, ou de sa dissolution.

Le cabinet peut aider les entrepreneurs et dirigeants à procéder à la cession de leur entreprise, avec la mise en place d’une opération d’apport-cession, puis à l’évaluation et à la réalisation des opérations de réinvestissement, en lien avec les autres professionnels impliqués dans ces opérations (financiers, fonds, réseaux d’investissement, etc.). 

 

 

Par Me Yann Martin-Lavigne, Avocat partenaire La Bruyère, le 6 février 2023