Les contrats de distribution en 2022 : les changements à prévoir

   

La date d’expiration du règlement de la Commission sur les accords verticaux* approche : le nouveau règlement, qui entrera en vigueur le 1er juin 2022, comportera des évolutions importantes pour la mise en place des contrats et partenariats de distribution (distribution via des plateformes, distribution exclusive, sélective,…)

   

 Les principales évolutions qui se dégagent du projet de règlement publié par la Commission européenne le 9 juillet 2021, complété par un projet de lignes directrices récemment amendé, concernent plus particulièrement les points énumérés ci-dessous. Certains font encore l’objet de discussions et pourraient évoluer dans les semaines prochaines. Il nous a paru intéressant cependant de procéder à cette première évaluation des changements à venir pour nous y préparer.  

     

  • La « double » distribution, à savoir la distribution aux clients des produits et services du fournisseur par ses distributeurs et par le fournisseur simultanément : la « double » distribution met le fournisseur en situation de concurrence avec ses distributeurs, ce qui peut soulever des risques d’atteinte à la concurrence notamment du fait des informations échangées entre distributeurs concurrents (le fournisseur avec ses propres distributeurs). L’exemption des accords de distribution conclus dans le contexte d’une « double » distribution ne serait désormais acquise qu’en deçà d’un seuil de parts de marché du fournisseur et du distributeur sur le marché du détail, qui devrait être inférieur à 10% (au lieu de 30% aujourd’hui) ; au-delà de ce seuil de 10%, l’exemption s’appliquerait si les parts de marché respectives du fournisseur et du distributeur n’excèdent pas 30% et sauf en ce qui concerne les échanges d’informations qui devraient être évalués selon les règles applicables aux accords horizontaux ;

  • Le projet de lignes directrices contient une liste du type d’informations que le fournisseur et le distributeur en situation de concurrence peuvent s’échanger en principe sans risque de restriction de concurrence et une liste d’informations qui au contraire pourraient laisser suspecter un tel risque, comme (i) les échanges d’informations sur les prix de vente, à l’exception des prix de vente conseillés ou maximum et à l’exception des échanges relatifs à une campagne promotionnelle, (ii) les échanges d’informations non agrégées concernant les clients sauf pour les besoins d’une commande spécifique, ou à des fins de garantie et de service après-vente, ou pour l’attribution des clients dans le cadre d’un contrat de distribution exclusive, (iii) les échanges d’informations concernant les produits vendus par un distributeur sous sa propre marque avec un fournisseur vendant des produits concurrents sauf si le fournisseur est le fabricant des produits vendus sous la marque du distributeur ;    

  • La distribution par des plateformes : les plateformes de services d’intermédiation en ligne sont qualifiées de fournisseurs. En conséquence, lorsqu’elles vendent des produits et services concurrents de ceux des fournisseurs qui utilisent leurs services d’intermédiation pour vendre leurs produits et services, elles sont considérées comme des concurrents de ces fournisseurs et les accords conclus entre la plateforme et ces fournisseurs devront être évalués selon les règles applicables aux accords horizontaux ;   
  • La distribution exclusive et la distribution sélective, plusieurs précisions sont apportées :  
  • L’exclusivité partagée qui permet à un fournisseur de désigner plusieurs distributeurs exclusifs sur un même territoire ou pour une même clientèle exclusive est expressément exemptée** : le nombre de distributeurs exclusifs sur un même territoire doit être déterminé proportionnellement au territoire ou à la clientèle allouée de manière à garantir un certain volume d’activité préservant leurs efforts d’investissement
  • L’exemption de l’interdiction, par les membres d’un réseau de distribution exclusive ou de distribution sélective, des ventes actives sur le territoire exclusif ou la clientèle réservé au fournisseur ou à un autre distributeur exclusif s’applique non seulement au distributeur exclusif ou au distributeur membre du système de distribution sélective, mais également à ses clients
  • L’interdiction des ventes actives et passives du distributeur exclusif et de ses clients à des distributeurs non agréés situés sur un autre territoire sur lequel le fournisseur exploite un système de distribution sélective est expressément exemptée
  • L’exemption de l’interdiction des ventes actives et passives à des distributeurs non agréés situés sur le territoire du système de distribution sélective s’applique non seulement au distributeur membre du réseau de distribution sélective mais également à ses clients  
  • Le double prix : la pratique par un fournisseur de prix différents à son distributeur « hybride » pour les produits destinés à être revendus en ligne et pour ceux destinés à être revendus hors ligne peut bénéficier de la zone de sécurité du règlement d’exemption. La condition requise est que cette pratique ait pour objet d’encourager ou de récompenser le niveau approprié d’investissements réalisés par le distributeur respectivement en ligne et hors ligne et qu’elle ne vise pas à restreindre la possibilité pour le distributeur de vendre les produits en ligne ;  
  • Les obligations de non-concurrence : les obligations de non-concurrence tacitement renouvelables au-delà d’une période de cinq ans sont désormais couvertes par l’exemption par catégorie, pour autant que le distributeur puisse effectivement renégocier ou résilier le contrat comportant l’obligation moyennant un préavis raisonnable et à un coût raisonnable, ce qui lui permettra de changer effectivement de fournisseur après l’expiration de la période de cinq ans ;  
  • Les clauses de parité : les obligations de parité imposées par les fournisseurs de services d’intermédiation en ligne au stade du commerce de détail, qui empêchent les acheteurs de ces services d’offrir, de vendre ou de revendre des biens ou des services à des utilisateurs finals à des conditions plus favorables en utilisant des services d’intermédiation en ligne concurrents sont exclues du bénéfice de l’exemption. Tous les autres types d’obligations de parité sont couverts par l’exemption et notamment les obligations de parité sur le marché du détail relatives aux canaux de vente ou de commercialisation directs des fournisseurs de biens ou services ;   
  • Les places de marché en ligne : une restriction des ventes sur les places de marché en ligne est exemptée lorsque les parts de marché du fournisseur et du distributeur n’excèdent pas chacune 30 % (référence à la jurisprudence « Coty » : Aff. C-230/16, Coty Germany GmbH/Parfümerie Akzente GmbH) ;    
  • La vente active : la vente active, que le fournisseur peut restreindre dans les réseaux de distribution couverts par l’exemption, inclut les outils de comparaison de prix ou la publicité sur les moteurs de recherche ciblant des clients sur des territoires spécifiques ou des groupes de clients (ce qui n’inclut pas les outils et techniques visant à améliorer un référencement). Cela inclut désormais également l’offre sur un site internet d’options linguistiques différentes de celles couramment utilisées sur le territoire sur lequel le distributeur est établi, tout comme l’offre d’un site internet dont le nom de domaine correspond à un territoire autre que celui sur lequel le distributeur est établi. Le projet de lignes directrices précise en outre que la soumission à un appel d’offres privé ou public constitue une vente passive ;  
  • Les restrictions caractérisées : le projet de lignes directrices contient de nombreuses illustrations de restrictions caractérisées, comme notamment la limitation des langues à utiliser sur l’emballage ou pour la promotion des produits, la mise en place d’un système de surveillance de la circulation des produits en utilisant des étiquettes, des groupes de langues spécifiques, ou des numéros de séries différenciés, le fait d’exiger que le distributeur n’ait pas le droit d’utiliser les marques déposées ou les noms commerciaux du fournisseur sur son site internet.   

 

*Règlement n°330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

 **L’exemption visée s’applique en deçà du seuil de 30% de parts de marché du fournisseur et du distributeur.  

 

Par Virginie BERNARD, le 6 avril 2022